Face au rapport sévère de la Chambre des comptes, la droite recommande de ne pas le lire… et raconte n’importe quoi sur son contenu.
Nous avons déjà parlé de ce rapport de la Chambre régionale des comptes, nous appuyant sur le résumé de 94-Citoyens.Le rapport intégral est à télécharger ici . Le maire le présente brièvement : c’est une dénonciation détaillée des fautes de gestion de l’ancien maire.
M. Zulke lui répond, au nom de la droite, par un discours digne du peu regretté Donald Trump. En substance, il invite les Villejuifois à ne pas lire les 61 pages du rapport : pas la peine ! Selon lui, ce rapport ne fait que dresser un tableau idyllique de la gestion Le Bohellec, que M. Zulke couvre de fleurs : il a ramené l’endettment dans la moyenne des villes de la même strate, il a modernisé la gestion alors qu’en 2014 on en était encore au papier-carbone, etc….
Discours aussi ahurissant que celui de Mme Esclangon. On peut avoir des désaccords, il serait légitime que M. le Bohellec réponde aux critiques des magistrats de la Chambre régionale des comptes. Mais non, M. Zulke invente simplement un rapport « alternatif » qui n’a jamais existé, et demande aux Villejuifois de ne pas lire le vrai ! Quant à F. le Bohellec, il ne dira pas un mot sur ce que fut sa gestion.
Mon intervention
Pour ne pas se répéter, on s’est partagé, entre groupes de la majorité, les parties du rapport à présenter. J’interviens au nom de Villejuif-Écologie.
« Monsieur le maire, Cher.e.s collègues, cher public,
je vais intervenir sur les parties « financières » et « patrimoniales » du rapport de la CRC. Il s’agit des points essentiels pour les Villejuifois, de la façon dont ont été gérés leurs biens : cela aurait mérité un large débat public. Et vous, Monsieur Zulke, vous feriez mieux de lire les 61 pages que vous déconseillez à vos concitoyens, plutôt que raconter des bobards dignes des tweets de Donald Trump !
Deux avertissements au préalable.
- La Chambre des comptes ne s’occupe que des comptes, et pas des éventuels indélicatesses ou délits commis en amont, sauf s’ils apparaissent dans les pièces justificatives. Elle ne fait pas d’enquête sur les délits pénaux ni administratifs pour lesquels l’ancienne gestion municipale a été plusieurs fois signalée à la Procureure de la République ou condamnée aux frais de la Ville.
- Le rapport ne couvre que 2014-2018. Or c’est dans l’année 2019 qu’ont été commis les indélicatesses les plus spectaculaires : contrat Fayolle, emprunts illégaux , la campagne « Avec vous Villejuif se révèle »… dont nous ne savons toujours pas comment elle a été payée.
Le « désendettement »
M. le Bohellec a joué toute sa mandature et sa campagne sur un argument unique : gestion de père de famille permettant le désendettement. Le diagnostic de la Chambre est sévère : « désendettement limité et fragile ».
Quel désendettement d’ailleurs ? La CRC constate que la Ville a contracté pour 10 millions de nouvelles dettes en 2014-2015, puis plus de nouveaux emprunts jusqu’en 2018 (mise à part la renégociation des emprunts toxiques). Du coup le temps qu’il serait nécessaire pour désendetter la ville avec son excédent de recettes de fonctionnement chute à 8 ans en 2018 (12 est le maximum). Mais contrairement à ce qu’affirme M. Zulke, la CRC souligne (p. 28) que l’endettement reste très supérieur à la moyenne nationale des communes de la même strate de population : 1957 euros par habitant contre 1384, presque moitié plus !
Mais en novembre 2019, patatras ! F. le Bohellec contracte illégalement 10 millions de nouveaux emprunts ! Et du coup l’endettement de la Ville, constaté par les comptes administratifs de l’année 2019 : 112,6 millions d’euros, remonte au-dessus de l’endettement de 2013 : 107,2 millions d’euros. De la dernière année pleine de l’équipe Cordillot (2013) à la dernière année pleine de l’équipe Le Bohellec (2019), l’endettement s’est donc accru de 5,4 millions d’euros. Et le temps de désendettement repasse à 9 ans, 11 ans prévus pour 2020 !
Pourquoi une telle fragilité ? La CRC révèle que l’apparent désendettement reposait sur 3 piliers :
- Les économies sur le personnel (embauches budgétées mais non pourvues, carrières bloquées) et sur les charges générales. Les factures ont en effet été drastiquement renégociées quand les écologistes étaient aux affaires en 2014-2015. Mais la dérive a recommencé après leur départ : la CRC pointe par exemple les doubles emplois avec les services du GOSB, les Villejuifois payant plusieurs fois le même service.
- L’entrée dans le Grand Orly Seine Bièvre en 2016, ce qui nous a rapporté 9 millions par an (ne me demandez pas comment, c’est compliqué, lisez le texte) : c’est la cause la plus sûre et stable de la meilleure situation de Villejuif. Elle efface, et bien au-delà, la baisse de la dotation globales de fonctionnement de l’État.
- La vente des bijoux de famille : la plus grande partie de nos réserves foncières, détenue directement ou par le biais du SAF.
Cette dernière ressource ayant disparu, l’année 2019 ne pouvait finir autrement qu’en déficit, même avec les 10 millions d’emprunts.
En réalité, la Chambre montre que ce déficit couvait mais était masqué par des opérations de cavalerie budgétaire dont elle donne des exemples :
- Un bien revendu à un promoteur alors que pas encore payé au SAF.
- Une vente inscrite en 2018 alors qu’elle n’a été payée qu’en 2019.
Cette « cavalerie « , non pas financière mais budgétaire, où le non-réalisé de l’année précédente (ou ce qui ne sera réalisé que l’année suivante) sert à masquer les déficits de l’année en cours, est généralisée. La Chambre pointe l’embouteillage des « restes à réaliser en fin d’année » reportés d’une année sur l’autre jusqu’à atteindre près de 30 millions au début de 2019. Autrement dit, les engagements d’investissement prennent de plus en plus de retard, l’argent a été versé par les contribuables ou le GOSB ou l’Etat, mais les travaux ne sont pas réalisés ni payés, ce qui fait apparaitre un excédent dans les caisses de Villejuif ! Sauf qu’il faut bien un jour finir les travaux avant les élections, et donc les payer… et c’est ce qui se passe en 2019.
Malheureusement le rapport de la CRC s’interrompt en 2018, et ne connait pas les comptes administratifs de 2019. Et bien les voilà : à la fin de 2019 il reste 10 millions de travaux à réaliser, prévus aux budgets antérieurs… et rien pour les payer !
Ce déficit masqué qui se creuse s’explique entre autres par la gabegie croissante des dépenses de fonctionnement, la masse énorme de dépenses hors -marché (que la CRC évalue à 18 millions), tel ou tel bien racheté on ne sait pourquoi (ou pour qui) au-dessus de sa valeur, les dépenses électoralistes comme les travaux de voierie de dernière minute pour faire joli (et souvent parfaitement inutiles ) qui auraient dû être confiés au GOSB etc… Mais je vais me concentrer sur les effets les plus durables : le patrimoine de la Ville.
Le patrimoine.
C’est la vente des réserves foncières qui a permis de financer près de la moitié des dépenses d’équipement, et par nature cela ne pouvait plus continuer. La municipalité nouvelle se retrouve avec peu d’espace en réserve pour végétaliser la ville et construire les nouveaux équipements pour les nouveaux habitants.
Ce qui choque le plus la Chambre, c’est que ces réserves, cantonnées sous la propriété du SAF, aurait dues être réservées à un usage d’utilité public débattu stratégiquement par le conseil municipal. Au lieu de cela, dénonce la CRC, le maire annonçait aux élus, au coup par coup, les ventes de nos réserves à des promoteurs sans que l’utilité publique en soit évidente. La Chambre conclut par ce que tous les anciens élus savaient : « L’assemblée délibérante n’a pas été mise en capacité de décider valablement. »
Certes ces ventes, précédées de rachats au SAF, ont permis de gagner 10 millions de plus-value, selon la CRC. La CRC pointe à cette occasion les manœuvres de cavalerie budgétaire. Mais ce qu’ignore la Chambre, qui ne lit que les comptes, ce sont les conditions dans lesquelles ont été réalisées ces plus-values, et pour quoi faire. Je ne détaillerai que quelques exemples, aux deux extrémités du mandat de F. le Bohellec.
- Au début, la Halle des sports. C’est la plus grosse opération de tout le mandat : 11 millions pour un terrain vendu à Demathieu & Bard , promoteur dont nous pensons avoir montré à la Procureure de la République qu’il était « susceptible » d’avoir été favorisé dès les premiers jours. Cela représente plus du tiers des ventes totales. Or il a fallu un an à la maire-adjointe au patrimoine de l’époque, en 2014-2015, pour imposer que cette vente ne se fasse pas de gré à gré, mais dans un dialogue compétitif. Visiblement bien informé, D &B, pour arracher le contrat à la concurrence, s’est vu obligé de rallonger 3 millions. Cette insistante de la maire-adjointe de l’époque pour la mise en concurrence a donc rapporté aux Villejuifois 3 millions, 30% du total des plus-values de toute la mandature de M. le Bohellec ! Si une telle politique avait été poursuivie par la suite, au lieu des accords dans le bureau du maire ou autour d’une bonne table, ou de pseudo -appels d’offre comme au profit de Babilou, ou carrément truqués quand l’ordinateur « oubliait » d’enregistrer un concurrent, on mesure ce qu’auraient pu être le gains pour le budget des Villejuifois…
- En février 2019 entre Franck le Bohellec entre dans sa dernière année. Il annonce dans Villejuif Notre Ville, utilisant pour la première fois le slogan « Avec vous, Villejuif se révèle », un tas de réalisations. En fait beaucoup d’entre elles ne seront pas encore réalisées ni même commencées au moment de l’élection de juin 2020. Mais plusieurs d’entre elles font l’objet d’une protestation de son groupe dans le VNV de janvier 2021 : elles seraient abandonnées par la nouvelle équipe ! En réalité, aucune décision n’est encore prise, mais examinons donc deux d’entre elles.
Le local des Beaux-arts. Il serait transféré de l’autre côté de la RD7, dans l’opération assez trouble incluant le transfert du foyer Adoma. Renseignement pris auprès de la directrice des Beaux-arts par le nouveau maire-adjoint à la culture, Guillaume du Souich, celle-ci s’opposait au transfert dans ce local en longueur coupé par des piliers-porteurs : autant faire entrer un rhinocéros dans une baignoire. D’ailleurs, en février 2019, F. le Bohellec annonçait « 1000 mètres-carrés et un patio de 150 mètres carrés où l’on pourra faire des expositions ». Mesures prises, il y a 850 m2 de locaux et 35 m2 de patio. Est-ce le promoteur qui a entubé M. le Bohellec, ou M. le Bohellec qui a menti aux Villejuifois ?
Le multiplexe de cinémas annoncé sur la RD 7, au sud de Carrefour. Là encore, le porteur du projet, M. Jehannin, de UFO-Distribution, a expliqué à G. du Souich qu’il a résisté farouchement à ce qu’a tenté de lui imposé F. le Bohellec : un petit multiplexe n’a pas de sens ici, en concurrence avec celui de Belle-Épine. Lui propose un espace culturel manquant dans le sud-est de la Ville : un cinéma d’arts et d’essais, avec une guinguette !
Bien sûr, nous allons réétudier ces projets, avec les acteurs concernés. Mais la CRC nous a avertis (nous l’avions remarqué, mais il est bon qu’une instance indépendante le confirme) : la dilapidation de nos réserves foncières laisse Villejuif en grande difficulté.»
Le débat, si l’on ose dire, reprend comme il a commencé : la droite déchue s’enferme dans une « réalité alternative », comme Trump niant le résultat des élections. Le bouquet sans doute pour la brève intervention de M. Bounegta : « Monsieur Lipietz, il faut être bac plus dix pour comprendre ce que vous dites. Pour moi c’est très simple : quand nous sommes arrivés, la Ville était endettée de 120 millions d’euros, quand nous sommes partis , de beaucoup moins ». Tout est faux et il n’y a qu’à lire la page 28, indiquée dans la table des matières, à parti rdes comptes administratifs validés par M. Le Bohellec :
Et j’ai déjà rappelé les chuffres 2013 (107,2 millions) et 2019 (112,6 millions). Mais que leur importent encore les faits ? Il n’y a qu’à dissoudre la réalité, et en nommer une autre.
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Le compte-rendu du conseil municipal est en quatre parties :
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