Nouvelle déconvenue pour l’écologie
Conseil municipal du 10 mai 2022 (1)

Au conseil municipal du 10 mai, deux sujets conflictuels à l’ordre du jour : l’allongement du temps de travail (on y reviendra) et le projet Valophis, 108-112 rue Jean Jaurès.

Le 108-112, à côté du square Jean-Ferrat et d’ne résidence seniors, c’est une vaste parcelle, avec des immeubles R+2+Attiques sur la rue Jean-Jaurès, puis derrière : des hangars, et encore derrière : un espace de verdure, avec un potager et un bosquet d’arbres magnifiques, où vont jouer les enfants de l’hotel social de la PSTI, Association pour la promotion par le travail et l’insertion.  (qui a son siège au même endroit). Cet hôtel social de quelques 18 places, appelé Résidence Germaine Tillon, est géré par l’association Philia, successeure de la PSTI avec la même vocation très sociale : accueil des réfugiés etc. Le petit bosquet jouxte le square Jean-Ferrat, derrière la résidence seniors « Le jardin de Villejuif » de la Cogedim (au 114). Ce square est un extraordinaire écrin de fraicheur à l’ombre d’autres grands arbres, malheureusement enclavé et mal indiqué.

Depuis l’avenue Jean-Jaurès : la façade du 108-112, ses hangars, le potager, le bosquet d’arbres.

 

Les grands arbres du 108-112, vus du square Jean-Ferrat.

 

Il y a quelque mois, notre amie Bianca Brienza, maire-adjointe à la lutte contre les discrimination, apprend, lors d’un comité de pilotage sur la réhabilitation de la résidence sociale Germaine Tillon,  qu’un promoteur, Expansiel Promotion (filiale de Valophis)  envisage de raser le tout, y compris les arbres, pour une opération immobilière centrée sur l’habitat social (y compris le relogement de Philia). Elle alerte le groupe Villejuif-Écologie. Natalie Gandais, maire-adjointe à la nature en ville, propose une alternative : la fameuse « coulée verte nord-sud » promise lors de la campagne municipale

 

Le projet de coulée verte

Si, depuis le porche du 112 rue Jean-Jaurès on aperçoit bien les grands arbres, le mieux est de recourir aux photos satellites disponibles sur internet. On voit tout de suite que rattacher l’espace de verdure du 112 au Square Jean-Ferrat agrandirait cet espace vert public de moitié :

 

Mais il y a mieux. En fait, depuis l’avenue de la République, carrefour Louis-Aragon, jusqu’au centre-ville, la coulée verte existe déjà en tant que continuité d’espaces arborés :  c’est l’ancienne Ruelle aux Prêtres, parallèle entre l’avenue Jean-Jaurès et la rue Victor Hugo. Partant vers le sud à partir de la place de la Fontaine, elle est aujourd’hui  barrée d’une palissade en plusieurs endroits, mais on peut essayer d’obtenir des droits de passage entre les différentes résidences, dont beaucoup appartiennent à l’OPH de Villejuif (devenue Valdevy… précisément à l’issue d’une consultation des habitants rejetant Valophis jugée trop peu soucieuse des habitants !)

Ainsi, les habitants du centre-ville (essentiellement l’habitat social des cités Maurice Thorez et de la place de la Fontaine, de part et d’autre de la rue George Lebigot), aurait un accès piéton direct, entièrement sous les frondaisons, jusqu’à la station Louis Aragon et sa future ligne 15 du Grand Paris. De même, le vaste parc social autour de la station Louis-Aragon (cités Éluard, Jacque Duclos…) aurait un accès direct à travers la verdure jusqu’au centre-ville. Un projet rendu nécessaire par le réchauffement climatique : bientôt il va rendre les trottoirs des centres-villes irrespirables.

Pendant des mois, Natalie Gandais en parle à ses collègues en charge de l’urbanisme ou du logement, sans effet comme on va le voir.

 

En conseil municipal : arbres sacrifiés, coulée verte abandonnée.

À ce conseil, nous devons simplement inscrire au budget une subvention de 50 000 euros à cette opération de Expansiel, au titre de son caractère social : maintien de l’hôtel social (avec un peu moins de places : 14 selon le rapport qui nous est présenté, 8 selon le dossier annexé) et des bureaux de Philia, plus divers types de logements sociaux (je vous épargne les sigles) dont 45 en Prêt Social en Location Accession, plus une crêche de 20 berceaux, au total 72 logements. Un très beau projet social … sauf qu’il prive les enfants  (et leurs parents) du petit bois et du jardin potager dont ils disposaient, et prive les Villejuifois d’une extension du square Jean-Ferrat et d’une possible coulée verte entre le centre-ville et la gare Louis Aragon !

Ce vote est assez formel, la décision est déjà prise : par lettre du 13 mars, le maire annonce à Valophis que la subvention lui est accordée. Mais c’est l’occasion de discuter du projet lui-même, dont le plan ne nous est malheureusement pas présenté. Mais nous savons qu’il comprend quatre  immeubles, et que l’immeuble du fond rase le potager et le bosquet de l’hôtel social. Notre groupe décide donc majoritairement de voter contre, et ce n’est pas la première fois dès qu’il est question de densifier. Nous avons en effet été élus sur un invariant : « Moins de béton, plus de vert ».

Le maire-adjoint à l’urbanisme, Gilles Lafon, présente le projet, vantant son évident caractère social. Et la maire-adjointe à la nature en Ville, Natalie Gandais , lui répond en expliquant notre refus : beau projet certes, mais qu’on peut construire ailleurs, tout en maintenant sur place les logements les plus  sociaux , tout en sauvant l’espace de verdure et ses arbres déjà adultes qu’on ne pourrit reconstituer en moins d’une trentaine d’années, en le rattachant au square Jean-Ferrat et en amorçant ainsi la coulée verte.

Tous les autres groupes de la majorité se prononcent pour le projet, au nom du caractère social,  avec les arguments classiques déjà plusieurs fois rencontrés, et quelques variantes.

  • « Il ne faut pas opposer l’écologie et le social ». Certes, mais justement ce projet va priver les plus démunis, les locataires de Phila, de ce qu’ils ont aujourd’hui : un jardin potager, un bosquet pour jouer, des arbres immenses pour leur donner de la fraicheur.
  • « Les habitants aux revenus les plus modestes ont droit d’habiter au centre-ville et près de la gare Louis Aragon ». C’est déjà le cas : le centre-ville , la ruelle aux Prêtres, les environs de la gare Aragon sont des logements sociaux. Et ils ont droit aussi à 10 m2 d’espace vert par habitant.
  • « Nous avons voté l’urgence écologique et adopté l’objectif de de l’Organisation Mondiale de la Santé : 10 mètres-carrés d’espace vert par personne, mais cette règle ne vaut pas parcelle par parcelle, il faut voir l’ensemble ». Certes, mais depuis quelques temps, chaque occasion de saisir un espace libre pour en faire un espace vert est perdu au nom de « construire du social », ou de l’emploi. Nous avons voté un budget accordant 1 million par an pour acquérir des terrains pour créer des espaces verts, et en mai de cette année nous n’avons aucun autre projet … que celui-ci.
  • « Il fallait rendre inconstructibles les cœurs d’ilot dans le PLU de 2015 (sous-entendu : élaboré par Natalie Gandais), comme Mme Cordillot l’avait fait dans le PLU de 2013. »

Arrêtons-nous un instant sur cet argument intéressant.

1. Initialement, le PLU 2015 de Natalie Gandais ne supprimait pas les cœurs d’ilots verts du PLU Cordillot : c’est l’État qui a signalé à la Ville que cette procédure, « atteinte disproportionnée à la propriété privée », risquait un procès à chaque coup. De fait, Natalie Gandais a cédé à un ou deux propriétaires menaçants, l’hôpital Paul Guiraud notamment (qui restituera plus tard l’espace d’un square le long de  l’avenue de la République).

2. Le PLU de 2015 s’attachait plutôt à créer de vrais grands espaces verts, en classant « espace naturel  » le Terrain Rameau, et une partie du terrain des Maraichers où notre nouvelle majorité prévoit de créer une ferme urbaine. Un cœur d’ilot inconstructible, c’est toujours utile pour absorber l’eau de pluie et pour quelques autres fonctions écologiques , mais ce n’est pas un « espace vert » au sens de l’Organisation Mondiale de la Santé : celui -ci doit être public, avec au moins un hectare continu (un demi en centre-ville), pour ses fonctions récréative et de bien-être publiques.

3. Curieusement, le terrain du fond du 108-112 n’était d’ailleurs pas « coeur d’ilot vert »  inconstructible dans le cas PLU 2013. La mairie connaissait-elle déjà les projets d’un promoteur ? Du coup, Natalie ne l’a pas non plus inscrit au PLU comme inconstructible.

4. Car ce n’était pas la peine ! Sur le lot d’à coté (au 106), quand la Cogedim a négocié la construction de son hotel pour seniors, la mairie a simplement imposé qu’elle lui cède un tiers du terrain pour faire le square Jean-Ferrat, en gardant ses arbres magnifiques, puis l’a classé coeur d’ilot en attendant cet aménagement (qui en fait était déjà en chantier en 2013).  En réalité, la plupart des squares et parcs de Villejuif ont été acquis de cette façon : un morceau cédé par un promoteur en échange de son permis de construire. Ce fut le cas de Normandie-Niemen, du Parc des Lilas, des Guipons, de Pasteur… Ce devrait être le cas ici.

 

Au fond, certains reprennent toujours le même discours : nous sommes une ville populaire, les riches ne veulent pas de pauvres dans leurs communes, donc nous devons bien sur-densifier notre ville, quitte à la rendre de plus en plus étouffante et difficile à vivre pour les classes populaires qui y résident déjà, elles ont moins droit au vert. C’est ne pas comprendre que l’accès aux arbres , à la fraicheur, est déjà et va devenir un des déterminants le plus précieux de la santé des classes populaires, comme l’accès à la bouffe saine, bio, et pas trop carnée.

Assez agacé par cette capitulation devant l’injustice et les inégalités environnementales, je propose de louer un car pour aller voir comment ça se passe à la première sortie de l’autoroute de l’Ouest (Garches, Vaucresson, Marne-la-Coquette, etc) : non seulement les riches ont leurs jardins, mais leurs mairies se sont gardé des bois et forêts publiques ! On y marche presque tout le temps à l’ombre.

Rien n’y fait : les écologistes, isolés dans la majorité, votent contre, plus quelques élus de droite, héritiers de la liste Le Bohellec (le tueur d’arbres) éclatée en on ne sait plus combien de morceaux, qui  saisissent l’occasion de s’opposer.

 

La contre-offensive des riverains.

Le lendemain, Gilles Lafon et d’autres maires adjoint.es vont présenter le projet aux habitants du quartier. Vous avez bien lu : le lendemain. Quoi, mais la Charte de la construction et de la promotion, adoptée par la nouvelle majorité, ne dit-elle pas qu’on doit « Assurer la participation des habitants aux projets dès leur conception, et au choix du projet immobilier définitif de manière préalable à la délivrance des permis de construire « ? Ben non, dans le cas présent : on décide d’abord, on vote ensuite, on présente enfin aux habitants. Natalie Gandais s’abstient de participer à cette « concertation-information »  : en première ligne en tant qu’adjointe elle aurait eu à soutenir la position majoritaire du conseil, alors qu’elle est contre.

Colère des habitants ! « Et que devient la coulée verte ? », « Ce troisième bâtiment va se coller au notre », «Ça va supprimer un passage », etc. Et la question, basique dans une vraie concertation : « Est-ce que notre avis peut changer quelque chose ? » Gilles Lafon : « Oui, on peut trouver des aménagements. Faire plus en hauteur pour laisser de la place au sol, par exemple. » Valophis : « Non, le permis de construire est déjà instruit ». Gilles Lafon : « Bon, on peut se revoir en juin… » C’est encourageant.

Si les Villejuifois veulent changer quelque chose, il faudra qu’ils prennent leurs affaires en main. Rien ne se fera sans eux…

Alain Lipietz.

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