Marche blanche pour Zinedine

 

Vendredi 2, un enfant, Zinedine (Zizou), qui franchissait en vélo la Nationale 7 sur le passage protégé à hauteur de Carrefour (le petit bonhomme étant au vert), a été fauché par une puissante voiture, qui, brûlant le feu rouge, contournait à cent à l’heure et par la bande cycliste les véhicules arrêtés au feu. Le conducteur, qui conduisant sans permis et avait loué la voiture grâce à un ami, était, selon 94-Citoyens, « sous l’emprise de stupéfiants ».

Le mercredi suivant, une immense marche blanche a rendu hommage à Zinedine, depuis son quartier, cité Lamartine, pour se conclure au stade Karl Marx. Elle rassemblait, bien au-delà de son quartier, au-deà des élèves du lycée Darius-Milhaud où Zinedine, qui allait sur ses 16 ans, allait entrer en première, bien au-delà de son équipe de foot.

La mort d’un enfant est toujours une effroyable tragédie. Elle bouleverse notre conception du cours normal de la vie, qui nous fait (un peu) accepter le scandale de la mort : les enfants meurent après leurs parents, ils ont droit à une vie de découvertes, à connaitre l’amour, à avoir eux-mêmes des enfants, à se réaliser, parmi leurs frères et sœurs et cousins… La mort qui frappe un enfant anéantit toutes ces certitudes : la mort frappe où et quand elle veut.

Mais on ne descend pas dans la rue pour n’importe quel drame familial. La marche blanche pour Zizou fut aussi importante peut-être que la marche pour Aurélie, assassinée par un terroriste qui voulait commettre un carnage dans une église de Villejuif. Une marche blanche honore une mort qui dit que quelque chose ne va pas dans notre société.

Une fille et deux garçons de sa famille, sa soeur, son frère, son cousin, bouleversés, ont prononcé de brefs éloges funèbres et le maire Pierre Garzon a enchainé. Zinedine, pour toutes et tous , était un « garçon gentil», « un gars bien sur le terrain , un gars bien dans le vestiaire » a dit son entraineur. Clairement il va manquer immensément à sa famille, et nous avons tous pleuré en entendant ces témoignages d’ados qui concluaient : « Si vous aimez quelqu’un, dites le lui, car vous pourriez regretter de ne pas l’avoir fait quand il sera trop tard ».

Mais on comprenait qu’il allait aussi manquer à Villejuif, à notre avenir, qu’il était déjà une promesse, et les jeunes ont appelé à ce qu’il ne soit pas mort en vain, comme si, mort en vélo, il était mort au combat. Le maire, dans un remarquable discours, a développé cette dimension collective de la tragédie. Car si tant de jeunes et de parents étaient là, c’est que la tragédie questionnait la sécurité sur les chaussées pour les vélos et pour les piétons, et d’abord pour les enfants, à l’heure où le changement climatique appelle à la conversion vers des circulations douces.  Elle nous rappelle que des gens sans doute ivres ou drogués, en tous cas ivres de l’illusion de puissance d’un moteur,  pouvaient faucher nos enfants, nos frères, nos sœurs, nos cousins, nos copains. Nous tuer.

Parlant carrément de « crime », avec une colère froide, Pierre Garzon a fustigé les fabricants de ces véhicules à la surpuissance totalement inutile dans le cadre du code de la route, ceux qui les vendent, ceux qui les louent. On aurait cru entendre un éditorialiste américain dénonçant le droit de porter des armes de guerre dans la rue. Mais il n’a pas épargné ceux qui les conduisent, ceux qui brûlent les feux rouges, ceux qui ne respectent plus le vivre-ensemble dans l’espace public : « J’en appelle à la jeunesse de Villejuif ! Je comprends votre gout de l’adrénaline, mais réfléchissez : une goute d’adrénaline vaut-elle la flaque de sang de Zizou ? »

Curieusement, il n’a pas parlé de la drogue, ce fléau qui pourrit Villejuif depuis des années, chez ceux qui en consomment, chez ceux qui en vendent, chez ceux qu’ils peuvent blesser ou tuer, pour le contrôle d’un spot ou par « accident ». Les info de 94-Citoyens étaient-elles erronées ? Ou a-t-il jugé que le problème de l’incivilité dans l’espace public est bien plus large que celui-là ?

Alain Lipietz

   

 

    Un commentaire

  1. Intéressant tu aurais du parler de la responsabilité des politiques dans le parcours de nos quartiers trop longtemps délaissés,et qui on donner à l’instar de Zinedine une autre dimension de leurs vie en se réfugiant dans des drogues et napper ça d’adrénaline au volant d’une voiture même sans permis… ça explique ce profond malaise chez nos jeunes de ce côté de la ou du côté de la mort .. ce sont deux morts ce soir là celui qui a tué et celui qui est mort …

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