Bilan rapide du second tour des élections locales

On s’en doutait au vu des résultats de la semaine précédente  : ces deux élections se soldent à Villejuif par une victoire totale de la gauche écologiste, socialiste et communiste. La liste régionale conduite par Julien Bayou (écologiste), regroupant les listes socialistes et communistes du premier tour, et conduite en Val de Marne par le propre secrétaire du Parti communiste Fabien Guillaud-Bataille, est en tête sur l’ensemble de Villejuif (49,3%) et dans presque tous les bureaux de vote. De même, aux élections départementales, le maire et vice-président communiste du Conseil départemental, Pierre Garzon, avec sa colistière Flore Munck, domine largement le tandem de l’ancien maire F. le Bohellec (droite)  et de sa colistière Christelle Esclangon (Modem).

 

Abstention, mutations et prime aux sortants

 

Nous, Villejuif-Écologie, soutenions évidemment ces deux vainqueurs villejuifois. Mais notre joie est bien sûr ternie par la perte, très attendue, du Val de Marne, que la gauche rejointe par les écologistes dirigeait depuis 1976, quand Michel Germa l’avait emporté sur Roland Nungesser, maire de Nogent sur Marne. Au-delà de cette alternance vers « les belles banlieues », cette défaite reflète très exactement la perte des bastions municipaux de la gauche, socialiste (L’Haÿ-les-Roses) et communiste (Champigny, Choisy, Valenton , Villeneuve-Saint-Georges) aux élections municipales récentes.

Les banlieues populaires, les plus peuplées, vont désormais se trouver face à un pouvoir départemental représentant plutôt les communes résidentielles plus aisées. C’est le maire de Maisons-Alfort, Olivier Capitanio, qui  en prend la présidence. Mais, comme il l’observe lui-même, sa victoire n’est que le résultat de la défaite de la gauche dans ses propres bastions municipaux. Un « cycle communiste » s’achève, et la gauche du XXIe siècle, l’écologie, n’est pas encore en mesure de remplacer, au niveau local, celle du siècle précédent.

Le passage au Vert de la banlieue rouge, amorcé aux européennes de 2019, sera progressif. Cependant, chez nos voisins de Vitry, c’est le tandem des écolos qui remplace un tandem communiste et rejoint Hélène Peccolo, élue d’Arcueil. Et dans les autres villes voisines de Villejuif, où les citoyen.ne.s, au second tour, avaient le choix entre  des tandems rouges ou verts, les tandems verts continuent leur progression (46% à Gentilly-KB). Globalement, sur le Val-de-marne et malgré l’abstention massive des jeunes, la vague verte, comptée en nombre de voix, est impressionnante par rapport aux départementales précédentes (2015) : l’écologie parvient désormais au second tour  mais échoue souvent à 40%.

Nous adressons nos félicitations aux nouveau groupe majoritaire du conseil départemental et à Olivier Capitanio. Nous espérons vivement qu’il aura, comme il l’affirme,  la conscience civique de lutter fermement contre la crise climatique et aussi contre la crise sociale, en finançant largement l’économie sociale et solidaire. Et nos plus chaleureux remerciements à Christian Favier, président sortant, pour son inépuisable dévouement, qui lui a valu l’estime générale, notamment pour son acharnement à réaliser la ligne de métro n°15 (Orbival).

L’autre grand chagrin de cette élection, c’est le niveau extrême de l’abstention qui reste très élevé (70%), même à Villejuif où, tout de même, des enjeux bien perceptibles ont amenés au second tour 1000 électrices et électeurs supplémentaires.

La tendance à l’abstention remonte à loin. On ne croit plus les candidats, et d’ailleurs ceux-ci semblent avoir de moins en moins de pouvoir, sauf à l’Europe (où la participation remonte). Mais cet effondrement supplémentaire traduit l’incompréhension totale et justifiée de ce que font désormais le Département et la Région, pas contraste avec la Ville, le Grand Orly Seine Bièvre et l’État.

L’abstention a particulièrement frappé les jeunes (85%, contre 60% pour les seniors) , avec ce résultat : une prime aux sortants, en général de droite, y compris les maires largement représentés sur les listes de droite. C’est à dire : ceux qui pouvaient détailler au moins leur bilan dans d’impressionnants cahiers (plus ou moins exagérés !) distribués dans nos boites aux lettres. La gauche (socialiste) et la droite (LR)  gardent ainsi toutes les régions métropolitaines qu’elles détenaient. Il y a cependant quelques changements significatifs. La gauche gagne deux régions  sur la droite : la Réunion (liste sous présidence communiste) et la Guyane (coalition régionaliste et LFI) , la droite  conquiert le dernier département communiste, les Verts emportent 5 cantons sur 6 à Rennes, 3 cantons à Lille,  etc.

Mais globalement la vague verte échoue presque partout à bousculer les pouvoirs en place. Ceci ne va pas faciliter la transition écologique dans les 6 prochaines années, alors que le changement climatique, qui accélère, vire à la tragédie sur la côte ouest de l’Amérique du Nord, au climat tempéré très semblable au nôtre : 49,6° et déjà des centaines de morts étouffés dans le grand port canadien baignée par l’océan et la  verdure qu’est Vancouver, sorte de La Rochelle adossé à des stations de sport d’hiver  ! Cela va arriver une année ou l’autre en France.

Ces élections constituent une véritable défaite du climat, par abstention de la jeunesse.

 

À Villejuif : un referendum contre le retour de le Bohellec

 

On l’a constaté pendant toute la campagne de premier tour : le vote à Villejuif avait la dimension particulière d’un « match-retour », d’une tentative de revanche de F. le Bohellec après son éviction en juin 2020 de la mairie de Villejuif par la liste de Pierre Garzon. Ce match-revanche prenait la forme : « Chasser les communistes du département », car Pierre Garzon était aussi vice-président du département. Mais en réalité, dans le bouche-à-oreille, comme sur les réseau sociaux, c’était bien de politique villejuifoise qu’il s’agissait : la droite accusait ainsi la municipalité Garzon d’avoir… débranché la vidéo-surveillance, alors qu’au contraire la gauche votait  l’accès à la vidéo-surveillance municipale pour la police nationale !

Cette campagne de caniveau n’a servi à rien. Malgré elle, ou peut-être même à cause de son caractère méprisable, F. le Bohellec subit une défaite : 47 à 53 %, encore plus nette que l’an dernier (48 à 52 %).

Pourtant F. le Bohellec appelait carrément à un « front républicain contre la gauche radicale et l’extrême gauche », c’est à dire au ralliement à son tandem de celles et ceux qui votaient le même jour, aux régionales, pour la liste centriste (LaRem et Modem) de Laurent Saint-Martin, mais aussi pour la liste RN de Jordan Bardella, contre la liste unitaire des écologistes et de toute la gauche conduite par Julien Bayou au niveau régional et par le tandem Garzon/Munck au niveau départemental :

 

 

Si cet appel avait été entendu, ça aurait pu marcher. D’une part, le tandem départemental de F. le Bojhellec était officiellement soutenu par les partis centristes nationaux, LaRem et le Modem (représenté par sa colistière Christelle Esclangon). D’autre part le Rassemblement National ne donnait pas de consigne de vote, mais le vote RN se répartit ordinairement, quand il est éliminé du second tour, pour 2/3 vers le candidat de droite et un tiers pour le candidat de gauche (ce qu’on appelle le « gaucho-lepenisme » ).

Dans nos bureaux de vote, l’électorat votait à quelques minutes d’intervalle dans une urne régionale où se présentaient 4 listes candidates (Droite LR/Libre : Pécresse, RN : Bardella, LaRem : Saint-Martin, Gauche et écologistes : Bayou), et dans une urne départementale où n’étaient présents que Le Bohellec/Esclagon et Garzon/Munck. Normalement, on aurait dû avoir, en faveur de Garzon/Munck, les seules électrices et électeurs de Bayou, et en faveur de Le Bohellec et Esclangon : tous les votants de Pécresse + Saint-Martin et la plus grosse partie de Bardella. Or c’est le contraire qui s’est passé.

Il faudra un jour faire l’analyse statistique des corrélations, par bureau de vote, comme nous l’avons fait à propos du vote législatif de 2017 qui a vu, à Villejuif, la défaite du candidat de gauche D. Arrouche (LFI) par celle de LaRem (A. Gaillot), du fait de la défection d’une partie du vote PCF. Contentons-nous ici d’un bref examen des bureaux de votes les plus significatifs.

Une remarque préalable : alors qu’il y avait plus de « choix » (4 listes) au vote régional qu’au vote départemental, il y a au total 177 votes exprimés en moins dans les urnes régionales. Tout se passe comme si ces 177 votants n’était venus ce dimanche  QUE pour le match Garzon-le Bohellec, et se fichaient du vote régional. Ce qui brouille un peu les comparaisons, car nous ne savons pas ce qu’ils ou elles auraient voté aux régionales. En revanche, nous connaissons la couleur politique de tous les autres, ce qui va nous apporter… quelques surprises.

J’ai choisi 7 bureaux de vote (vous trouvez la carte des quartiers desservis par ces bureaux ici, avec le vote écologiste aux européennes 🙂

 

  • Les bureaux « très majoritairement à gauche et écologiste » où la liste Bayou dépasse 60 % : le 3 (Jean Vilar, plutôt socialiste et vert), le 10 (Hautes Bruyères), le 15 (Lamartine) et le 33 (Maison des parents : Duclos/Delaune) où le vote communiste prédomine massivement.
  • Les bureaux où la liste Pécresse dépasse 45 % : le 23 (Bizet-Zola) et 26 (Lion d’Or)
  • Et le bureau le plus écologiste, où J. Bayou a obtenu au premier tour, conduisant une liste du seul pôle écologiste, le meilleur résultat, en tête de la gauche, soit 21,3 % : le 25 (maternelle Wallon).

Je reporte dans le tableau suivant les résultats, dans ces bureaux, des 4 listes régionales, puis, colonne F, la somme des votes des partis (de Pécresse et Saint-Martin) ayant investi le Bohellec. Puis colonnes G,H, le nombre des exprimés dans les deux urnes et la différence I = H-G qui représente les « je viens pour le match et je me fiche des régionales » (on voit que c’est variable , même entre bureaux politiquement semblables comme le 10 et le 33). Et enfin les résultats des deux binômes candidats aux départementales. D’après les « consignes de vote » des partis politiques, les colonnes C et J (en vert) et les colonnes F et K (en bleu) devraient être égales.

 

Le résultat est spectaculaire ! Le Bohellec (colonne K) n’atteint qu’épisodiquement le score des partis censés le soutenir (col. F) . Au contraire, P. Garzon et Flore Munck recueillent, au-delà de la liste Bayou, le suffrage de personnes votant au même moment macroniste ou lepeniste.

Les cas les plus clairs sont le 23, le 26 et le 33, où presque tous les électeurs/trices ont voté dans les deux urnes. Dans les bureaux les plus à droite, 23 et 26, le tandem Le Bohellec récupère logiquement : tout le vote Saint-Martin et la plus grosse partie du vote Bardella. Le tandem Garzon ne récupère que 2 voix en sus de celles de Bayou bureau 23. Et à Robespierre (26), c’est pire : Garzon/Munck  ne récupèrent pas toutes les voix de la liste Bayou.

Effet inverse dans le bureau 33 : le Bohellec ne recueille même pas tout le vote Pécresse, tandis que Garzon recueille tout le vote macroniste, tout le vote lepéniste, et quelques voix Pécresse. Même chose bureau 10 (Hautes-Bruyères) : le Bohellec ne récupère même pas toutes les voix Pécresse, les votes macronistes et lepeniste et des « non-exprimés aux régionales » allant au  tandem Garzon/Munck. À Lamartine (15), Le Bohellec recueille strictement les voix de Pécresse, et tout le reste, macroniste, lepeniste et « je me fiche des régionales »  rejoint Garzon.  Bref, dans tous l’habitat social, les votes macronistes et lepenistes, voire même des votes du propre parti de Le Bohellec, se reportent sur Garzon !

Dans le bureau de vote le plus mixte (pavillonnaire et collectif)  et « bobo » de Villejuif : le 3 (Jean Vilar),  Le Bohellec dépasse à peine son score théorique (Pécresse + Saint-Marin), Garzon recueille le reste, y compris sans doute du vote Saint-Martin (ou alors tout le vote lepeniste). De même dans le quartier le plus « écolo » (le 25), les deux tandems dépassent leurs vote théorique et semblent se partager également le vote lepéniste.

 

Conclusions

Dans l’attente d’une analyse plus mathématique de l’ensemble des bureaux de vote et intégrant les évolutions entre les deux tours, l’échec de Le Bohellec est clair :

  • Le tandem Garzon/Munck a récupéré une bonne part du vote régional « gaucho-lepeniste » des HLM, vote protestataire certes xénophobe mais pas du tout séduit par l’ancien maire bourgeois qui les a laissés à l’abandon pendant 6 ans. Et il faut s’en réjouir : le vote lepeniste cessera d’être une menace sur la démocratie le jour où les ouvriers , petits employés et précaires reviendront à gauche, qu’elle soit communiste, socialiste ou écologiste.
  • Mais il a aussi recueilli le vote de centristes, dont F. Le Bohellec avait obtenu l’investiture des directions nationales et la caution locale de la Modem Christelle Esclangon, contrairement à ce qui c’était passé aux municipales où les centristes villejuifois lui avaient opposé une fin de non -recevoir, sachant tout de ce politicien « plusieurs fois condamné par la justice et sous le coup de plusieurs enquêtes policières ». Depuis les municipales, son style bonapartiste de « chef naturel dont l’autorité ne saurait être contesté » lui a encore aliéné la moitié de son groupe d’élus municipaux

F.le Bohellec, qui avait proclamé « quitter la politique » après son échec de juin 2020, mais tentait un come -back après sa traversée du bac-à-sable, vient d’être une nouvelle fois rejeté, encore plus fermement qu’en 2020. Mais il obtient quand même 47 %, et la somme des votes Bardella, Pécresse et Saint-Martin dépasse d’un cheveu 50%.

C’est un sérieux avertissement pour la gauche villejuifoise : un moins mauvais candidat de droite pourrait un jour l’emporter. Elle devra, au cours de son mandat, faire la preuve de l’efficacité de sa politique de solidarité et de tranquillité publique, de son engagement réel dans la transparence et la démocratie participative, et surtout de sa résolution dans la transition écologique.

Mais la tache numéro 1 est aujourd’hui de réfléchir : comme surmonter la crise démocratique, nationales et locale ? Comment faire participer les jeunes, qui ne sont pas à proprement parler « dépolitisés » (ils sont très mobilisés sur le climat, le vivant, la solidarité, mais dans un cadre associatif) à la vie politique locale ?

Pourquoi ne pas organiser des Assises de la citoyenneté ?

 

 

 

 

 

 

 

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