Le dépôt sauvage de la Redoute : un drame écologique, humain et financier

Hier, j’ai vu un enfant de 8 ans, assis sur le seuil d’une bicoque, qui triait des métaux, devant deux autres encore plus jeunes, qui apprenaient le métier. Ce n’était pas au Bangla-Desh, mais à la Redoute des Hautes-Bruyères, à Villejuif, fortin propriété du ministère de l’Intérieur, transformée en décharge sauvage.

 

Hier, le maire de Villejuif, Pierre Garzon, nous avait donné rendez-vous à l’entrée du campement Rom de la Redoute des Hautes Bruyères, pour une visite du campement et de la décharge sauvage, en compagnie du Préfet et des services de l’État (foncier, police, justice, etc). Il y avait aussi la Sous-préfète, un élu départemental en charge des espaces verts, la sénatrice Sophie Taillé-Pollian. La police était nombreuse, peut-être une vingtaine d’agents. Curieusement le Grand Orly Seine Bièvre, qui a la compétence « Déchets », ne. me semblait pas convié (mais il y a déjà eu une réunion de travail avec eux).

Depuis le mois de mai, nous étions prévenus du déversement de gravats dans les douves de la Redoute, à côté du campement. Depuis des semaines, pressé par les usagers du parc, nous interpellions les pouvoirs publics. J’ai même écrit au ministre de l’Intérieur : il est à la fois propriétaire du site, et chef de la police, détenant ainsi le pouvoir de s’interposer pour empêcher les camions de gravats d’entrer sur sa propriété.

Les autres autorités concernées sont en premiers lieu le maire, responsable « du bon ordre et de la salubrité publique » sur la commune, et le Grand Orly Seine Bièvre qui, outre sa compétence « Déchets », est maitre d’œuvre de la ZAC Campus Grand Parc qui jouxte la Redoute et l’intègre dans ses projets. Secondairement, les deux « voisins » : le Département du Val-de-Marne, propriétaire du parc, et la Société du Grand Paris, qui creuse la station IGR de la ligne 14 du futur métro : sa route de chantier est la voie d’accès au dépôt sauvage de la Redoute.

Ça fait des années qu’un premier groupe de Roms, roumains ou moldaves, ont installé un petit campement dans la Redoute ou sur la route d’accès. Les associations humanitaires les suivent : Croix-Rouge française, Romeurope… Elles ont fait imposer à l’ancien maire F. Le Bohellec, par la Justice,  de les approvisionner en eau pendant le confinement. Mais vers la mi-mai, l’ancien maire a laissé s’installer un deuxième campement et une décharge publique sauvage.

Dès son arrivée, la nouvelle majorité municipale a formulé nos priorités : 1) faire cesser les déversements ; 2) élaborer des solutions pour la scolarisation des enfants, le relogement des occupants, et si possible l’intégration d’une partie d’entre eux dans un projet d’économie circulaire de recyclage ; 3) faire enlever les gravats accumulés (ce qui selon les services du Grand Orly Seine Bièvre, représente un coût de plusieurs centaines de milliers d’euros), et rechercher « qui doit payer ».

Hier M. le Préfet se décidait enfin à agir : la police avait intercepté dans la matinée deux camionnettes de gravats, saisissant les véhicules et plaçant les chauffeurs en garde à vue, dans l’espoir qu’ils donneraient des indications sur leurs commanditaires. Dans les quelques minutes qui précédaient l’heure du rendez-vous, deux autres camionnettes se sont présentées à l’entrée du site, qui ont été également interpellées.

Puis nous sommes tous entrés pour la visite. Nous avons longé le premier campement, puis le second, et nous sommes arrivés sur la décharge. Le constat est totalement alarmant :  non seulement les douves sont désormais entièrement remplies de gravats, mais sur ce remblai l’accumulation des gravats se poursuit avec des techniques professionnelles. Manifestement des engins de chantier sont utilisés pour étaler soigneusement les gravats et les tasser en plateforme afin de pouvoir en ajouter encore. Les ajouts se font en bordure de la plateforme, constituant tout autour une sorte de talus. Qui pourrait tout aussi bien s’effondrer…

Un tas bien compacté…

L’entrée de la plateforme est matérialisée par une rangée de pneus, la fin de la plateforme est également délimitée par des pneus. Les déchets sont de diverses natures. Pour la plus grande partie ce sont des gravats, en vrac ou dans des sacs blancs de déchets de chantier. Mais on voit aussi des sacs-poubelles remplis d’herbe, des bouteilles plastique, de vieux cahiers…

 

Des gravats de chantier, mais aussi des ordures ménagères, des encombrants…

Mme la Sous-préfète montrait des photos prises dix jours plus tôt, sur lesquelles on voyait encore le chemin du fond des douves (désormais totalement recouvert), elle était effarée par la vitesse à laquelle monte le tas. M. le Préfet pouvait constater que l’activité est restée continuellement intense depuis qu’il a été alerté, fin juillet.

Devant un tel danger, nous déclara-t-il, il faut obtenir au plus vite l’expulsion du campement. Nous avons protesté qu’il fallait en priorité faire cesser l’arrivée des gravats. Un débat s’est engagé entre le Préfet, qui refusait d’abord de mettre des forces de police en nombre suffisant, en raison du coût d’une telle opération, et les élus, qui argumentaient sur le coût bien plus élevé de l’enlèvement des gravats. Si l’estimation du GOSB est vraie, disons 300 000 euros pour enlever le tas, il aurait été moins cher de recruter cinq auxiliaires à 5000 euros par mois charges comprises pendant un an !

Et la facture monte de jour en jour. Ce n’est pas qu’une facture financière. La facture environnementale sera épouvantable : à chaque pluie l’amiante et les solvants de tous ces déchets de chantier s’infiltre dans le sol.

Mais surtout la facture humaine. Dans le second camp sont exploités des enfants déscolarisés. Avant de songer à les expulser, songeons à leur offrir une enfance, et une chance de vivre dignement.

 

Natalie Gandais 

Maire-adjointe, chargée entre autres du Zéro déchets

 

À suivre…

(Voir également l’article de la toujours bien informée Lucile Metout dans Le Parisien)

 

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